Hamma Hammami (leader de la gauche tunisienne): « Il y a trois mensonges dont on se sert contre la gauche… »

23 octobre 2014

Hamma Hammami (leader de la gauche tunisienne): « Il y a trois mensonges dont on se sert contre la gauche… »

La campagne électorale s’accélère en Tunisie. Les élections législatives auront lieu dimanche 26 octobre 2014. A moins de 3 jours du scrutin, la gauche tunisienne souhaite, cette fois-ci, une place de titulaire au sein du prochain parlement. Le Front Populaire, symbole de la gauche tunisienne, va devoir se montrer convaincant pour mettre fin à toutes les accusations qui visent à dénigrer cette coalition. Ce sujet brulant était au menu de ma rencontre avec le leader emblématique de la gauche tunisienne et son candidat à la présidentielle, Hamma Hammami. Récit d’une rencontre sincère.

le leader emblématique de la gauche tunisienne et son candidat à la présidentielle, Hamma Hammami
Hamma Hammami, leader emblématique de la gauche tunisienne/ photo: Cheker Berhima

Le Front Populaire est souvent accusé d’être toujours en position d’opposition. Sa politique, selon certains, est de s’opposer à tout. C’est pour cela qu’ils estiment que sa place ne peut être que dans l’opposition et qu’il ne peut pas diriger ?

Ce sont des préjugés et des étiquettes qu’ils veulent nous coller. Le Front Populaire est contre une chose parce qu’il est pour autre chose. Il a sa vision et son programme pour le pays et il est prêt à le diriger d’une bien meilleure manière que tous ceux qui se sont succédé aux rênes du pouvoir. D’ailleurs, même à l’opposition, on a été toujours constructifs et on a proposé des solutions aux problèmes. Sauf que certains ne veulent pas de nous parce qu’on tient à l’indépendance du pays. On refuse l’aliénation et les décisions imposées de l’étranger. On refuse la spoliation de nos richesses et la violation de notre territoire.

Si on fait une lecture dans le programme du Front, on n’aperçoit aucune approche communiste. Et pourtant, certains Tunisiens continuent à associer le Front et ses leaders au communisme. Qu’en pensez-vous ?

Tout part d’une certaine ignorance. Mais il y a aussi la mauvaise intention et la manipulation pour orienter les gens simples d’esprit. Il y a trois maux dont on se sert contre la gauche et qui se répètent depuis le 19 ème siècle alors qu’ils n’ont rien à voir avec la réalité. On nous accuse d’inciter les gens à la violence. Ils disent que nous sommes athées, et puis on nous accuse de confisquer les biens des gens. Toutes ces accusations sont recherchées et voulues dans le but de semer la zizanie et discréditer la gauche.

Pour répondre à votre question, la Tunisie n’est pas prête pour le communisme. Nous devons sauver ce pays et relancer l’économie, cela est notre seule priorité. Le seul projet qui peut réussir et amener le pays à bon port est un projet national, démocrate, social et progressiste. Un projet qui saura sortir le peuple de sa pauvreté et son ignorance. Un grand projet qui concerne l’ouvrier, le commerçant, le professeur et le chef d’entreprise. Nous œuvrons pour créer des projets qui payent les impôts et qui offrent des emplois. Donc nous encourageons la propriété et la création des richesses dans un cadre légal de respect des lois.

Même l’image de Hamma Hammami est toujours attaquée ?

J’entends quotidiennement des mensonges sur ma personne. Ce phénomène est grave et on ne peut pas construire une société solide sur les mensonges et sur le dénigrement. Malheureusement, certains de nos politiques n’ont pas de morale et se permettent de salir tous ceux qui sont différents d’eux.

Ecoutez, en 2012, j’étais dans un taxi, le chauffeur, qui était un salafiste, a voulu me provoquer en parlant de l’Islam. Et à chaque fois, je lui ai répondu en corrigeant même certaines de ses erreurs sur la religion et sa pratique. A la fin de mon déplacement, il m’a dit: « Mais je croyais que vous étiez Hamma Hammami ?».Quand je lui ai confirmé que c’était bel et bien moi, il m’a dit: «Impossible, vous, vous connaissez beaucoup de choses sur l’Islam et lui on nous a dit qu’il est athée ». Je lui ai rétorqué que je m’appelle Hamma, que je suis musulman et Tunisien et que je ne viens pas du Honduras ou d’une autre terre pour ne pas connaître la religion. Je suis spécialiste de la civilisation arabo-islamique. Si vous me comparez à certains islamistes, vous vous rendrez compte que je connais beaucoup plus de choses qu’eux concernant la religion et je peux dire que j’ai lu le Coran beaucoup plus que certains d’entre eux…

Tenez, je vais vous raconter quelque chose. A l’époque de la dictature, il arrivait à Ali Laârayedh ( leader islamiste) de demander mon avis lorsqu’on discutait de sujets concernant la religion, l’héritage, la légalité entre les sexes…Ce qui me dérange dans le paysage politique tunisien, c’est que certains usent de tous les outils pour abattre leurs opposants. Il n’y a pas de morale. On doit s’opposer dans le respect.

Et il est inconcevable de s’accuser de cette manière. D’ailleurs quand certains ont exagéré en répétant que Marzouki était un alcoolique uniquement pour le salir et le discréditer, je n’ai pas pu m’empêcher de déclarer qu’il ne l’était pas.

Ce témoignage n’a pas plu à certains sympathisants de mon parti qui ont jugé que je défends Marzouki bien qu’il s’agisse d’un président qui a échoué dans sa mission et d’un candidat que je vais affronter aux Présidentielles. Mais je ne l’ai pas regretté. C’est une position de principe. Il y a énormément de choses sur lesquelles ont peut critiquer Marzouki, mais pas les mensonges et les insultes. Le niveau de la classe politique ne doit pas tomber aussi bas.

Propos recueillis par Cheker Berhima 

 

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