Entre les lignes: La gauche tunisienne vote à droite

11 décembre 2014

Entre les lignes: La gauche tunisienne vote à droite


Le leader de la gauche tunisienne, Hamma Hammami, a tenu, ce jeudi 11 décembre, une conférence de presse, pour annoncer la position finale du Front Populaire à propos du candidat à soutenir lors du second tour de la présidentielle qui aura lieu le 21 décembre prochain.

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Hamma lors de la conférence de presse, ce jeudi à l’hôtel Africa à Tunis. A gauche l’élu du Front, Zied Lakhdhar. photo/Cheker.B.

Néanmoins, cette position tant attendue n’a pas été précise au grand dam des journalistes qui l’ont considéré ambiguë en lisant le communiqué distribué à l’occasion. Pourtant Hamma Hammami a vu les choses autrement en déclarant : « Notre position est la plus claire de tous les autres partis ».

Cette position qu’il considère claire ne l’est que si on admet que Hammami a adressé un message chiffré à ses militants et dans ce cas ça devient presque un choix par élimination. Démonstration.

En réalité, le Front Populaire de Hamma Hammami n’avait que trois éventuelles consignes de vote à donner à ses sympathisants : boycotter les élections, voter Essebsi, voter Marzouki (bien que cette 3éme éventualité soit très peu envisageable).

Sans surprise donc, cette 3ème éventualité a été écartée puisque le Front a appelé, dans son communiqué, ses militants explicitement et sans aucune réserve à ne pas voter Marzouki, qui est considéré comme le candidat du parti islamiste Ennahdha et son allié pendant le règne de la Troïka.

Mieux encore, Hammami a pointé du doigt ce candidat, le considérant comme l’un des responsables, directe ou indirecte, de l’assassinat de Belaïd et Brahmi. Donc pour les militants du Front, la consigne est très claire à ce niveau: Il n’est pas question de donner sa voix à Marzouki.

Le communiqué du Front était également plus clair que tous les autres partis, concernant le premier choix qui est le boycott des élections ou le vote blanc, puisque Hammami a appelé ses militants à participer massivement à ce 2ème tour. Donc, là aussi les choses sont claires. Le Front n’appelle pas à boycotter les élections.

En effet, c’est dans le 2ème choix que se trouve l’ambiguïté. Hammami a certes indiqué que, pour donner ses voix au candidat du parti de droite, Nidaa Tounes, Béji Caid Essebsi, ce dernier doit éclaircir certains points de discorde concernant son programme, ainsi que sa relation avec Ennahdha. Mais en écartant le boycott des élections et le soutien à Marzouki, il a, sans le dire d’une manière implicite, demandé à ses sympathisants de voter Essebssi.

Ainsi donc, Hammami aurait publié un communiqué intelligent dans lequel il a jonglé avec les mots pour ne pas se mouiller avec n’importe quel clan, pour éviter de choquer sa base et surtout pour laisser une marge de manœuvre aux prochaines alliances.

Donc un petit résumé pour tous ceux qui sont nuls en maths: Pour Hammami, ne pas voter Marzouki c’est acquis. Ne pas boycotter les élections c’est acquis aussi. Voter Essebsi reste dans ce sens le seul choix et la seule consigne de vote pour le front, même s’il ne le dit pas explicitement.

Bien que certains aient vu dans cette position une manœuvre intelligente pour éviter les pièges, d’autres observateurs y ont révélé un manque de courage de Hamma et son Front qui n’ont pas eu l’audace de dire clairement ce qu’ils pensent, à l’instar de ce qu’a fait l’homme d’affaires et le président de l’UPL, Slim Riahi.

Cependant, ces observateurs ont oublié que le public de Hammami n’est pas celui de Riahi. Le premier est très engagé voire même explosif, alors que le second n’a aucune idéologie ou engagement. C’est pour cela que Hammami a vu juste en choisissant de le sevrer en douceur….

Cheker Berhima

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